
Résumé : Célèbre icône de l’hyperforme, Deborah Sapoznik cherche à prendre ses distances avec le monde de l’art. Le temps d’un été, elle emménage avec son fils Yoni sur l’pile de Napampark. Rapidement, l’adolescent tombe sous l’emprise d’une voisine qui souhaite l’initier à une pseudo-science appelée psynésie. Programmé par des mots déclencheurs qui produisent chez lui de vives réactions émotionnelles, il sombre peu à peu dans la psychose et devient une menace pour tous les habitants de Napampark.
Magma est un roman pour lequel il est compliqué de l’inscrire dans une case. Je dirais, après cette lecture, qu’il s’agit d’un thriller psychologique mêlé à de l’anticipation. Dans tous les cas, il s’agit du nouveau livre de VII, publié chez les éditions Anti Monde en décembre 2020. Je remercie l’auteur de m’avoir permis de découvrir son œuvre.
Disclaimer : cette chronique reflète l’interprétation que j’ai eu de ma lecture, je vous recommande donc par ailleurs, si le livre vous intéresse, d’en faire l’acquisition, notamment par ici.
La sensation qui compresse ma poitrine ne semble pas partir depuis la fin de ma lecture. D’une traite, sans pause, attirée par le sentiment dérangeant d’observer l’acte pervers d’un esprit abimé, j’ai dévoré les quelques 200 pages de cet OVNI littéraire, où l’on découvre Deborah Sapoznik, l’artiste peintre en mal d’inspiration pour toujours plus plaire, et Yoni, son fils, l’artiste apathique qui manipule les sonorités. Un univers inédit à l’atmosphère perturbant, et l’introduction de la psynésie, cet « art » psychique qui manipule les esprits, et dont Yoni fera la découverte, au départ par curiosité, à la fin par vengeance.
L’art a cette capacité d’embraser l’imagination {…}. Nous sommes comme une bouche ouverte prête à s’abreuver dans un magma.
L’intrigue tourne avant tout autour de la psynésie, présentée par cette voisine névrosée, du nom d’Antosca, accompagnée d’un « docteur », lui-même agile avec la manipulation des sons. C’est d’ailleurs ce qui plait à Yoni, et l’attire dans le tourbillon bruyant et destructeur de cette pseudo-science. Elle est par ailleurs assez bien développée et expliquée par un passage descriptif complexe (j’avoue avoir du relire ce dernier pour en saisir toute sa profondeur). Mais c’est là un bel artifice de l’auteur, puisque comme notre protagoniste, nous sommes assaillis par des « abstractions philosophiques », abreuvées d’un néologisme presque pathologique de la part d’Antosca. Et ce mot déclencheur, trigger du dérapage de Yoni : c’est très imaginatif et original.
Le développement même des personnages est tout à fait épatant : chacun ayant une personnalité différente, mais toutes semblant être moulées dans un pattern : les protagonistes ont nombre de névroses qui tendent à ressortir au fur et à mesure que l’influence des uns et des autres s’attaque à la coque protectrice du cocon de la résidence de Napampark, ce complexe de retraités en apparence calme et auparavant ensoleillé qui se drape d’un voile de pluie à leur arrivée. Deborah, acculée par la pression de la création, comme un écrivain victime du syndrome de la page blanche : mère de l’hyperforme, elle n’arrive plus à recréer sa progéniture, ou s’attelle à la rendre accessible au grand public malgré son dégout non caché pour les amateurs sans saveur ; Yoni, qui joue avec les sonorités et s’en sert pour provoquer, induire le malaise psychique chez l’auditeur ; Lovano, le militaire, totalement imbu de lui-même (et que j’ai haï tout le long du livre, c’est dire)…
Il s’engluait dans la morbidité de sa psyché, harcelé par des voix qui récitaient inlassablement les mêmes sutras pervers.
Vous l’aurez compris, tout dans ce livre apporte une atmosphère inquiétante, presque horrifiante, de la complexité des caractères des personnages en passant par le temps ; d’un enchainement d’action qui crescendo, s’envolent vers des scènes aussi macabres que bruyantes. Car cette œuvre est quelque chose que l’on entend, dont on ressent l’influence, un frisson qui parcourt l’échine à chaque page qui se tourne. C’est graphique, c’est horrifiant, mais c’est d’une telle maitrise que l’on en veut encore et encore. La force des suggestions que l’on peut faire au cerveau semble être extrêmement puissante, et maitrisée par des viles mains, elle peut être totalement dévastatrice.
L’écriture de l’auteur est sans aucun doute maitrisée, apte de faire ressentir la peur, le dégout, laissant planer un climat presque guttural au dessus de notre tête. Un réel talent pour l’écriture sans artifice qui rend la lecture rapide et agréable, paradoxalement au contexte.
À lire ou pas ? Véritable pépite littéraire que ce roman, c’est sans conteste mon premier coup de cœur de l’année, que je vous recommande sans hésiter.
5/5 est ma note pour ce livre.
Et voilà, cette chronique est dès à présent terminée. J’espère qu’elle vous aura plu ! Connaissiez-vous VII ? Avez-vous déjà lu un de ses livres auparavant ? N’hésitez pas à laisser un petit commentaire, que nous puissions discuter ensemble !
Bouquinement vôtre, Jade