
Résumé : Quel est le masculin de « muse » ? Il n’y en a pas. La muse est nécessairement femme ; c’est ce que nous inculque la langue française. Et depuis Pétarque, c’est ce que l’histoire poétique a choisi de garder. L’histoire de la poésie a été écrite par des hommes et avec des hommes. Les femmes sont les objets de l’amour, les muses, celles qui attendent patiemment leurs poèmes, sans fournir trop d’efforts si ce n’est celui d’être belles et bien parées. Mais où sont donc Sappho, Marceline Desbordes-Valmore, Rosemonde Gérard et Louise Michel ? Des femmes qui écrivaient l’amour et la liberté, des vivantes, pas des objets sur une étagère. Et si nous refusions de jouer le jeu ? Quel est le masculin de « muse » ? J’ai opté pour « musc » : le musc est un parfum animal, entêtant, curatif, excitant. Ce recueil est un ensemble de textes dédiés à quelques-uns des hommes qui ont jalonné ma vie : de la rencontre d’un soir à l’amour passion, de l’érotisme brut à l’amour doux, j’ai voulu y témoigner de mon histoire de femme. Je remercie mes muscs de m’avoir prêté leurs plumes.
Musc est une recueil de poésie écrit par Claire Poirson et publié en juillet 2021 chez les Éditions Ex-Aequo dans la Collection A l’En-Vers. Je remercie l’autrice de m’avoir permis de découvrir ses poèmes lors d’une très jolie rencontre dans un café de Bordeaux.
Disclaimer : on sort un peu du cadre de mes lectures habituelles car je ne lis vraiment pas beaucoup de poésie ; mais l’occasion était trop belle et toi aussi cher lecteur tu n’as pas envie de la manquer. Alors pour te procurer ce petit recueil de qualité, n’hésite plus et clique ici.
Si vous cherchez une peinture de l’amour inconditionnel, pourquoi ne pas lire « Musc » ? Recueil de poèmes d’une fraîcheur nouvelle, l’autrice nous y offre une ode à l’amour et au charnel, comme lorsque le lecteur s’enfonce dans Anahata. À l’inconnu, l’ancien, le dernier, vous êtes donc les inspirations de Musc, la muse au masculin comme l’explique si bien Claire Poirson. Il s’agit d’un recueil en quatre parties, qui optent chacune pour une atmosphère différente, toujours sur le plan de l’amour. FEU nous dévore avec le charnel, la passion et la volupté ; AIR nous caresse dans la douceur amoureuse et le rêve ; EAU se noie dans l’amour, presque aspirée par des torrents obsessifs qui dégoulinent sur le musc ; et GLACE nous refroidit, apparaissant la tristesse du manque (NB : c’est mon interprétation très subjective donc l’autrice ne pensait peut-être pas du tout à ça aha, mais c’est l’effet que ça me fait).
Ce recueil parle d’amour, certes, mais ne vous attendez pas à de la candeur et des paillettes, « Nécropole lascive » est l’exemple type du poème aussi dérangeant que racolant. La rose sur la couverture peut être trompeuse, mais c’est un tatouage, le tatouage d’un de ses muscs ; et la rose est piquante, agaçante, charmante, et parfois même drôle. Mention spéciale à « Précoce » qui m’a fait mourir de rire, et vous allez comprendre pourquoi si vous lisez le recueil.
Dans nos baisers fiévreux s’arque le ciel de lit
Arquebuse – mon poème préféré, je ne sais pas pourquoi mais la sonorité me plait beaucoup
Brusquement je te busque et débusque l’envie
Jaillie de son fourreau, dressée, impétueuse
Elle s’embusque en moi, me déforme et me creuse
Le musc épand ses ailes et ondoie dans nos corps
Et nous vivons, unis, la plus belle des morts
Claire Poirson utilise rimes plates, croisées et embrassées, tandis que l’alexandrin se confond dans les quatrains. Elle en utilise beaucoup, par ailleurs des quatrains, mais elle prouve par ce recueil qu’elle est une maîtresse de la poésie. Elle manie les mots et les sons avec adresse, symphonie méritante de poèmes travaillés et aux styles variés, comme « Haïku », ce petit poème japonais de dix-sept syllabes. Ses textes sont donc auditifs et percutants, et résonnent dans mon esprit comme le sonnet qu’elle s’approprie.
L’autrice nous abreuve d’un vocabulaire riche et joue avec espièglerie avec la langue française : je pense notamment au poème « Vagabordélectitératif » et ses « mots-valise » (que vous avez déjà pu apercevoir sur mon compte Instagram @thereadingsession) comme s’enclubouiller (nouveau mot préféré). Sa maîtrise de la métaphore est splendide ce qui rend l’ébat poétique (très à l’inverse de l’Antiblason, le sonnet de Verlaine et Raimbault qui est assez vulgos ahahah) et elle arrive avec adresse à mélanger le flamboyant, la douceur, le charnel et la pudeur. On pourrait y voir un paradoxe charmant, avec l’affrontement de la chaleur féline et attirante contre la timidité. Et puis, il faut dire que Claire Poirson la manie extrêmement bien cette langue, qu’elle soit française, masculine ou bien encore italienne, hommage à ce bel italien qu’elle a rencontré un temps.
Dix années ont passé, et je t’ai rencontré.
Extrait de Fiat Lux.
Depuis ce jour je flâne – enfance retrouvée.
J’ai dix ans et je t’aime, et ces mots ont un sens.
Je m’étais égarée, tu es ma renaissance.
Vous l’aurez compris, j’ai vraiment adoré lire toutes ces poésies. Claire Poirson a réellement beaucoup de talent, et cet hommage à tous ces « Musc » était une petite parenthèse revigorante dans la vie trépidante que je mène. J’en profite pour lister ici les poèmes coup de cœur : « Arquebuse », « Accrochés », « Mat », « Fiat Lux » (et encore bien d’autres…).
À lire ou pas ? Bien sur, foncez, c’est assez dommage que la plupart des personnes ne lisent pas de poésie (moi y compris hein), mais ce recueil vaut vraiment le coup !
5/5 est ma note pour ce livre.
2 commentaires sur “Chronique 108 TRS – Musc par Claire Poirson”