
Résumé : Ora Lee Beckworth était loin de se douter que son quotidien basculerait durant l’été 1976. À Mayville, dans le sud de la Floride, le racisme a la peau dure. Alors qu’Ora engage un vagabond afro-américain que les enfants du coin surnomment M. Pécan, son entourage s’en inquiète. Surtout Blanche, sa gouvernante, elle-même afro-américaine. Car s’il est alcoolique, il n’en demeure pas moins doux et gentil notamment avec les filles de Blanche. La petite bourgade s’enflamme lorsque le corps du fils du shérif est retrouvé poignardé dans la forêt, non loin du campement de M. Pécan. Il est accusé du meurtre sans la moindre enquête. Mais Ora Lee est la seule à connaître la vérité. Vingt-cinq ans qu’elle la porte comme un fardeau écrasant. Et il est temps pour Miss Beckworth de raconter la tragique histoire de cet été à Mayville.
La Couleur du Silence est un roman écrit par Cassie Dandridge Selleck et traduit de l’anglais par Isabelle Chapman. Il fait partie de la rentrée littéraire des éditions Seuil (que je remercie vivement pour l’envoi) et sortira le 07 octobre 2021.
Disclaimer : vous vous doutez bien que cette lecture est un Service Presse, mais vous vous doutez bien aussi que je serai honnête avec vous. De toute manière, je me débrouille toujours pour choisir des choses qui me plaisent, et ce roman ne fait pas exception. Vous pourrez vous le procurer pour vous en faire votre propre opinion le 07 octobre 🙂
États-Unis, 1976. Une petite bourgade tranquille, où la vie va bon train, entachée par les rapports sociaux et le ségrégationnisme qui sévit. Blanche, une femme noire de la trentaine environ, mère de cinq enfants, s’occupe de Madame Beckworth et de sa maisonnée, bien vide depuis que le mari de cette dernière est décédée. Et puis arrive Eldred Mims, ou Monsieur Pécan, ce vieillard SDF qui possède en tout et pour tout un fauteuil dans la forêt. Madame Beckworth le prend sous son aile, l’emploie en jardinier, le loge, et prend même en charge sa caution lorsqu’il est accusé injustement du meurtre du fils du shérif. Car Miss Beckworth en sait bien plus qu’elle ne veut le dire, et son silence embourbe avec elle le lourd secret qu’elle cache et qui devient de plus en plus lourd à supporter.
Je pourrais vous parler de Walter, mon mari, mais comme il n’a joué aucun rôle dans cette histoire, je ne pense pas que ce soit utile.
Ce livre est donc, vous l’aurez compris, un livre assez engagé qui aborde, sous couvert d’une histoire aussi touchante que glaçante, des thèmes forts comme le racisme, les déboires de la justice, comment la société dans laquelle nous vivons agit sur nos relations, les violences sexuelles et sexistes, ainsi que la place de la femme au sein du couple marital (ça en fait un bon paquet de message). Madame Beckworth nous raconte donc avec ses mots et approfondit avec le lecteur, tandis qu’elle grandit et qu’elle apprend de ses erreurs, ses connaissances et ses actions. C’est un personnage que j’ai beaucoup apprécié ; même si elle est gauche et qu’elle dépasse parfois les limites, on voit qu’au fur et à mesure des années, elle évolue et murit. Elle se rend compte qu’elle se sert des inégalités comme un tremplin pour assouvir son besoin de générosité. Je n’en dis pas plus car ce serait dévoiler tout le caractère du personnage principal mais vous avez saisi l’idée (j’espère).
Puisque l’on parle des personnages et de leurs vécus, la relation entre Beckworth et sa gouvernante était très intéressante et très bien développée, un réel plus dans cette lecture. On s’attendrit à les considérer comme amies, mais le livre nous le rappelle sans cesse que dans cette époque et malgré tout l’effort que met Ora Lee pour avoir une bonne relation avec Blanche, le rapport de force est toujours présent. La femme noire est au service de la femme blanche fortunée, et Ora Lee est appelée Madame Beckworth tandis que Blanche ne se cantonne qu’à un prénom (si vous lisez le livre vous saurez pourquoi sa mère l’a appelé comme ça, la signification est si triste quand on y réfléchit). Eldred Mims aussi, un personnage tellement touchant que vous pourrez surprendre aux coins de vos yeux un grain salé que vous essuierez promptement, et dont la voix est un mélange entre sagesse, lassitude et une mélancolie certaine.
J’avais autrefois une employée de maison, Blanche, noire comme le goudron et ronde comme la lune. Je lui ai demandé une fois pourquoi ses parents l’avaient baptisée de ce prénom incongru. À sa naissance, m’a-t-elle répondu, elle avait la peau aussi claire que moi et son papa était parti en déclarant qu’un bébé blanc ne pouvait pas être de lui.
Mélancolie. C’est cette sensation qui rythme la lecture, nuage qui accompagne le journal de Ora Lee, tandis que j’ai tourné les pages avec attention, happée par ce roman. Si je devais m’attarder sur l’écriture de l’autrice, je dirai qu’elle va à l’essentiel, peut être parfois un peu trop ; et on ne peut que féliciter le travail de la traductrice qui a su garder la franchise de ce livre en donnant une voix française aux personnages américains, transmettant donc à un nouveau lectorat ce pan de vie, ses horreurs, ses moments doux sous la narration de Miss Beckworth. Un petit point négatif cependant, qui concerne l’intrigue, et qui j’ai l’impression revient dans chaque chronique (pour une fois que nous sommes tous d’accord, n’hésitons pas à allumer des bougies) : le dénouement final, enfin une des révélations finales était un peut-être superflue, ou alors pas assez détaillée antérieurement pour arriver comme une évidence. Cela n’enlève néanmoins pas à l’autrice son talent d’écriture.
À lire ou pas ? Un livre joliment écrit avec des messages engagés dont j’ai apprécié la lecture. Je le recommande 🙂
4/5 est ma note pour ce livre.
Et voilà, cette chronique est dès à présent terminée, j’espère qu’elle vous aura plu ! Avez-vous déjà lu Cassie Sandridge Selleck ? Avez-vous envie de vous lancer dans La Couleur du Silence ? N’hésitez pas à laisser un commentaire que nous puissions en discuter 🙂
Bouquinement vôtre, Jade